C'était à la fin de l’été 99, sur un terrain d'aérodrome tapissé de trous de taupes, lors d'une nuit d'observation du ciel, organisée par les illuminé(e)s du club d'astronomie local.
Un monsieur plein de rides et de malice dans les yeux, qui porte un grand chapeau et un plaid écossais sur les épaules attend fébrilement je ne sais plus quelle planète qu'il est pourtant sûr sûr sûr de ne pas pouvoir voir, pour des raisons d'arbres et de pollution lumineuse .. nous montre entre autres objets M13 comme je ne l'avais jamais vu, puis tout soudain pointe sa lunette droit sur Albiréo, une de ses préférées, une étoile double, jaune et bleue, et intarissable nous parle des origines arabes de son nom, de cygne et de cou de poule, de Don Quichotte et de Sancho Pança, de la voie lactée dans l'imaginaire perse, de Sirius chez les Dogons, de la croix du sud, de Dante et de Zanzibar, me récite un poème de Catulle Mendès ( un astre luit au ciel et dans l'eau se reflète ..), me fait rire aux éclats avec des histoires de pets de vaches martiennes, reconnait mon parfum et me dit, alors que je réalise qu'il m'a fait oublier que j'avais les pieds gelés, trempés de brume - ne jamais aller à une nuit d'observation des étoiles en tongs - qu'Albiréo c'est moi.
Et derrière tout cela, il y a mon ciel, où je me constelle en cachette et où je possède mon infini.